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Faute inexcusable et contrats d’assurance de responsabilité civile |
La faute inexcusable de l’employeur se rapporte en France à une notion précise du droit de la Sécurité Sociale.
Précisément, il est important de comprendre cette notion de faute inexcusable car cela permet de comprendre les mécanismes et niveaux d’indemnisation d’une victime d’un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Le risque est donc un risque financier pour l’entreprise.
L'article 452-1 du Code de la sécurité sociale précise les conséquences de la mise en cause de la faute inexcusable pour l’employeur sans la définir et laisse le soin à la jurisprudence fixer les conséquences de cette mise en cause.
Petite histoire de la faute inexcusable dans le droit français …
Jusqu’en 1898, en cas d’accident du travail, , le salarié doit pour obtenir réparation démontrer la faute de son employeur dans la survenance de l’accident : il s’agit donc d’une application simple du droit commun de la responsabilité.
Elle suppose conformément au Code Civil :
- une faute,
- un dommage
-
un lien de causalité entre les deux
A compter de la loi du 09/04/1898, deux nouvelles dérogations sont introduites par rapport au droit commun :
- La responsabilité sans faute
- La réparation forfaitaire
La réparation des accidents du travail devient forfaitaire et non intégrale et il n’est plus nécessaire de démontrer l’existence d’une faute pour obtenir réparation. Ce système a de nombreux avantages :
Il assure une indemnisation aux victimes d’accidents en les dispensant d’avoir à faire la preuve de la faute et du lien de causalité entre la faute et le dommage – par contre, la réparation est plafonnée … Enfin, ce plafonnement favorise l’assurance de la faute …
Ce système d’indemnisation forme le socle de l’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles en France : il s’agit presque d’un pacte social : c’est dans le cadre de ce système dérogatoire au droit commun de la responsabilité que se comprend l’idée de faute inexcusable en matière d’accident du travail:
In fine, cela revient à dire qu’en droit des accidents du travail le principe est la responsabilité de l’employeur même sans faute… Responsable et ce même sans faute, l’employeur n’est pas exclu des bénéfices de la Loi de 1898 (substitution et plafonnement) s'il a commis une faute (même grave)…
Pour bénéficier d’un régime d’indemnisation plus favorable de la part de son employeur, le salarié doit démontrer que ce dernier à commis une faute inexcusable et que par conséquent l’accident du travail ou la maladie professionnelle sort du système évoqué ci-dessus.
En cas de faute inexcusable de l’employeur il ne bénéficie plus du droit dérogatoire et retrouve le droit commun plus sévère notamment en matière de dédommagement des victimes.
Il perd également le bénéfice de la la subrogation de la sécurité sociale qui le protégeait et doit indemniser le lésé avec une réparation intégrale des préjudices subis…
La définition originelle de la faute inexcusable
La loi ne définit pas la faute inexcusable : c’est la jurisprudence qui évoluant nous permet de comprendre ce qu’elle revêt. A la suite d’une jurisprudence de 1941, la faute inexcusable se définissait comme une faute avec les caractéristiques suivantes:
- Gravité exceptionnelle (par exemple en cas de non respect caractérisé des règles de sécurité) ;
- Acte ou omission volontaire ;
- Conscience du danger et absence de cause justificative et d’intention.
En fait cela revient à mettre en cause l’employeur dans les cas où il est établi clairement un manquement de l’employeur en relation avec le dommage. Et, il importe peu que d’autres fautes ou même une faute de la victime elle-même ait été commise même si ces dernières sont déterminantes pour l’accident….
La définition actuelle de la faute inexcusable
La faute inexcusable a été profondémment revue par la jurisprudence récente (arrêts « amiante » du 28/02/2002 ) :
« En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par l’intéressé du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.» (Cass. soc. 28/02/2002 2002).
Dans cette affaire, la Cour a précisé que les juges doivent valider si la conscience du danger par l’employeur est caractérisée ou non et si, à partir de là , les mesures nécessaires de protection ont été mises en œuvre.
Dans le cas de l’amiante, les employeurs connaissaient ils la nocivité de ce matériau pour leurs salariés ? Si oui, ont-ils mis en place les mesures nécessaires pour protéger leurs salariés ?
Ainsi, dès lors qu’aucune mesure n’a été prise pour protéger le salarié du danger alors même que l’employeur était conscient de ce danger, la faute inexcusable est caractérisée.
Il s’agit de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur vis-à -vis de ses salariés exposés à un risque.
Cette jurisprudence a fait l’objet ensuite d’une extension aux accidents du travail : elle renvoit une double exigence très lourde à l’employeur :
- il doit avoir conscience du danger auquel est exposé le salarié,
- il est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat,
En cas de mise en cause de la faute inexcusable de l’employeur, ce sont ces critères qui seront analysés : le critère déterminant étant de savoir si oui ou non si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des risques courus.
Concrètement « la conscience » du danger potentiel pour le salarié se manifeste par des évènements antérieurs : accidents, avertissements lors des CHSCT, mise en demeure de l’Inspecion du travail, condamnation pénale…
Et comme précédemment, une faute de la victime ou d’autres évènements ayant concouru à l’accident ou à la maladie professionnelle de sauraient être de nature à ôter à la faute de l’employeur son caractère inexcusable si ce dernier avait conscience des risques encourus.
La jurisprudence récente de la faute inexcusable
Jusqu’ici, la mise en cause de la faute inexcusable de l’employeur permettait d’obtenir une réparation complémentaire à la rente forfaitaire fixée pour un accident du travail ; toutefois, cette indemnisation était limitée aux postes de préjudices suivants d’après le Code de la sécurité sociale :
- les souffrances physiques et morales endurées,
- les préjudices esthétiques et d'agrément
- le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle
- Par conséquent, même en cas de faute inexcusable, la victime se voyait donc privée de l’indemnisation des autres poste de préjudices habituellement indemnisés par les procédures d’indemnisation en droit commun : accident de la circulation, accident médical…
Ainsi par exemple, une victime d’un accident du travail n’était pas indemnisée de ses besoins assistance humaine futurs, de ses dépenses d’aménagement de leur lieux de vie, de ses frais de fauteuil roulant ou de véhicule sur mesure, de ses périodes d’incapacité temporaire, etc….
Depuis une décision du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2010, les victimes d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de leur employeur, peuvent solliciter en sus des prestations mises à la charge de la sécurité sociale, la réparation de postes de préjudices complémentaires en droit commun.
Cette indemnisation élargie reste néanmoins soumise à l’appréciation des juges notamment pour les affaires en cours pour lesquelles les victimes doivent justifier de l’existence de postes de préjudices non indemnisés pour obtenir une nouvelle expertise médicale et l’indemnisation des préjudices complémentaires.
Déroulement de la procédure
La procédure de mise en cause de le faute inexcusable de l’emploueyr est extrêment longue (de 2 et 6 ans). En effet l’état de la victime doit être "consolidé" (figé par la sécurité sociale) pour déterminer la rente à verser. Ensuite, la reconnaissance de la faute inexcusable entre dans le cadre du contentieux général de la Sécurité sociale : conciliation avec l'employeur dans un 1er temps puis contentieux devant le TASS puis cour d’Appel et enfin Cour de Cassation.
Il n’y a pas forcément d’incidence pénale pour le représentant de l’entreprise mais l’idée d'une obligation de sécurité de résultat issue de la jurisprudence de la cour de cassation en matière de faute inexcusable, peut être utilisée en matière pénale. Dans ce cas, la mise en cause pénale du chef d’entreprise peut entraîner la faute inexcusable de l’employeur.
Le risque à couvrir par un contrat de RC professionnelle est donc financier : celui-ci est éventuellement lourd.
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